Retraite de Carême, 2ème méditation
Deuxième méditation : Voici que le semeur est sorti pour semer
La semaine dernière, j’évoquais notre vie comme une terre, une terre qui peut parfois nous sembler sèche, envahie de ronces, stérile, mais qui peut aussi porter de beaux fruits parce qu’elle aura été labourée, retournée, ensemencée, que la pluie y sera tombée, que de bons engrais y auront été mis.
Après avoir marché sur le chemin vers Emmaüs, ce chemin qui sera notre boussole tout au long de la retraite, je vous propose de contempler maintenant le semeur et de voir ensemble l’accueil et les effets de la Parole de Dieu dans notre vie. Comment cette Parole peut rendre notre coeur tout brûlant ? Elle a remis le feu au cœur des disciples, elle met le feu dans nos vies.
Luc 8, 4-15
04 Comme une grande foule se rassemblait, et que de chaque ville on venait vers Jésus, il dit dans une parabole :05 « Le semeur sortit pour semer la semence, et comme il semait, il en tomba au bord du chemin. Les passants la piétinèrent, et les oiseaux du ciel mangèrent tout.06 Il en tomba aussi dans les pierres, elle poussa et elle sécha parce qu’elle n’avait pas d’humidité.07 Il en tomba aussi au milieu des ronces, et les ronces, en poussant avec elle, l’étouffèrent. 08 Il en tomba enfin dans la bonne terre, elle poussa et elle donna du fruit au centuple. » Disant cela, il éleva la voix : « Celui qui a des oreilles pour entendre, qu’il entende ! »09 Ses disciples lui demandaient ce que signifiait cette parabole.10 Il leur déclara : « À vous il est donné de connaître les mystères du royaume de Dieu, mais les autres n’ont que les paraboles. Ainsi, comme il est écrit : Ils regardent sans regarder, ils entendent sans comprendre.11 Voici ce que signifie la parabole. La semence, c’est la parole de Dieu.12 Il y a ceux qui sont au bord du chemin : ceux-là ont entendu ; puis le diable survient et il enlève de leur cœur la Parole, pour les empêcher de croire et d’être sauvés.13 Il y a ceux qui sont dans les pierres : lorsqu’ils entendent, ils accueillent la Parole avec joie ; mais ils n’ont pas de racines, ils croient pour un moment et, au moment de l’épreuve, ils abandonnent.14 Ce qui est tombé dans les ronces, ce sont les gens qui ont entendu, mais qui sont étouffés, chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie, et ne parviennent pas à maturité.15 Et ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance.
– 11 Voici ce que signifie la parabole. La semence, c’est la parole de Dieu.
Le Seigneur lui-même donne une explication à la parabole. La parole de Dieu est une semence qui contient en elle une puissance de vie ; cette puissance de vie porte du fruit quand elle est accueillie dans une terre elle-même féconde. Rappelez-vous comment l’annonce de la Parole rend le coeur des disciples d’Emmaüs tout brûlant. Elle est vivante et efficace, elle fait ce qu’elle dit pourvu que nous fassions ce qu’elle demande. Il est à noter que le Seigneur sème largement.
– 12 Il y a ceux qui sont au bord du chemin : ceux-là ont entendu ; puis le diable survient et il enlève de leur cœur la Parole, pour les empêcher de croire et d’être sauvés.
Qui sont ceux au bord du chemin ? Ce peut-être toutes ces personnes rencontrées dans notre quotidien, au travail, dans notre quartier ; pour les prêtres ce sont ces nombreuses personnes rencontrées lors des différentes célébrations, baptêmes, mariages, obsèques, messes pour les défunts ou pour les fêtes de villages. Tant de personnes entendent la Parole de Dieu ! ils entendent mais n’accueillent pas. Récemment, le cardinal Bustillo dans une homélie disait ceci : « lorsque l’apôtre Pierre se met à prêcher au jour de Pentecôte, plus de 3000 personnes se convertirent. Nous, au bout de 3000 homélies, combien de cœur se sont-ils tournés vers Dieu ? » Pour les parents, ce peut-être aussi les difficultés à transmettre la foi aux enfants.
Que faire ? Comme vous, j’ai souvent éprouvé la tristesse, une forme aussi de découragement. Vous mettez tout votre coeur à bien faire les choses, vous accompagnez les personnes en passant du temps et puis, une fois la célébration passée, plus rien. Vous avez remarqué qu’il y a quelqu’un qui intervient dans cette affaire : « le diable survient et il enlève de leur coeur la parole pour les empêcher de croire et d’être sauvés. » Une chose est certaine ; nous sommes confrontés à des forces qui nous dépassent. Écoutons Saint Paul aux Éphésiens : 12 Car nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les Dominateurs de ce monde de ténèbres, les Principautés, les Souverainetés, les esprits du mal qui sont dans les régions célestes.13 Pour cela, prenez l’équipement de combat donné par Dieu ; ainsi, vous pourrez résister quand viendra le jour du malheur, et tout mettre en œuvre pour tenir bon.14 Oui, tenez bon, ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice,15 les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix,16 et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui vous permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais.17 Prenez le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu.
Saint Paul nous invite à la foi, à la confiance. Et surtout à l’abandon ; personnellement, je prie encore pour ces personnes rencontrées à un moment de mon ministère. Qui sait ; peut-être une petite graine est cachée dans un recoin et qu’un jour elle portera un fruit. Peut-être que cette petite braise ensevelie sous un tas de cendre va devenir un feu brûlant ; gardons toujours en mémoire nos deux amis d’Emmaüs.
– 13 Il y a ceux qui sont dans les pierres : lorsqu’ils entendent, ils accueillent la Parole avec joie ; mais ils n’ont pas de racines, ils croient pour un moment et, au moment de l’épreuve, ils abandonnent.
Quelles sont mes racines ? Sur quoi ou plutôt sur qui je fonde ma vie ? Écoutons encore un passage de la Parole de Dieu dans l’évangile selon Mathieu 7 :
24 Ainsi, celui qui entend les paroles que je dis là et les met en pratique est comparable à un homme prévoyant qui a construit sa maison sur le roc.
25 La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison ; la maison ne s’est pas écroulée, car elle était fondée sur le roc.
26 Et celui qui entend de moi ces paroles sans les mettre en pratique est comparable à un homme insensé qui a construit sa maison sur le sable.
27 La pluie est tombée, les torrents ont dévalé, les vents ont soufflé, ils sont venus battre cette maison ; la maison s’est écroulée, et son écroulement a été complet. »
Nous sommes tous confrontés aux épreuves, familiales, de santé, à des échecs, des conflits avec des collègues de travail, mais aussi à nos fragilités personnelles. Comment réagissons-nous face à cela ? N’oublions pas ce qui est premier : l’accueil confiant de la Parole de Dieu est source de joie. N’ayons pas peur de regarder en face nos peurs, d’offrir au Seigneur nos échecs, les épreuves. Les épreuves vérifient la qualité de notre foi, mais aussi de notre espérance. Si nous avons accepté de suivre Jésus, nous savons quel est ce chemin, ce que nous devons prendre pour suivre le Christ : notre croix. Mais nous savons aussi que le chemin de la croix débouche toujours sur la résurrection, qu’il y a un retour à Jérusalem. Vous voyez à qui je fais allusion…
– 14 Ce qui est tombé dans les ronces, ce sont les gens qui ont entendu, mais qui sont étouffés, chemin faisant, par les soucis, la richesse et les plaisirs de la vie, et ne parviennent pas à maturité.
Peut-être nous sentons-nous concernés par ce verset ; les soucis, des soucis divers et variés comme on peut en connaître au quotidien, peuvent étouffer l’efficacité de la Parole de Dieu dans notre vie. Il y a ici des papas et des mamans qui se font du souci pour leurs enfants, ou des grands-parents pour leurs petits-enfants, soucis pour l’avenir du monde, face à des tragédies dont nous sommes les témoins impuissants, face aux changements de société, face aux modifications climatiques qui vont affecter notre quotidien et nos habitudes…
Si nous revenons à nos disciples d’Emmaüs, c’est l’échec apparent de Jésus qui les plonge dans la mélancolie. Nous savons ce qui va leur redonner vie. Il faudrait ici prendre du temps pour voir ce qui nous soucis, ce qui nous empêche de suivre vraiment le Seigneur, de nous donner tout entier à lui, d’être libre. Quelles sont ces entraves, ces prisons, ces ronces qui étouffent, qui me retiennent ? Une parole du Seigneur peut éclairer ce verset, le jeune homme riche. Ce jeune homme veut avoir la vie éternelle, il voudrait bien suivre Jésus mais il n’est pas libre. Il a des entraves qui vont l’empêcher d’accomplir sa vocation véritable et donc de trouver le bonheur tel que Dieu veut lui donner. Marc 10 21 Jésus posa son regard sur lui, et il l’aima. Il lui dit : « Une seule chose te manque : va, vends ce que tu as et donne-le aux pauvres ; alors tu auras un trésor au ciel. Puis viens, suis-moi. »22 Mais lui, à ces mots, devint sombre et s’en alla tout triste, car il avait de grands biens.
Quelle est cette chose qui nous empêche de nous donner vraiment au Seigneur ? Regardons paisiblement, laissons l’Esprit Saint venir scruter notre coeur et n’ayons pas peur de nommer les choses
– 15 Et ce qui est tombé dans la bonne terre, ce sont les gens qui ont entendu la Parole dans un cœur bon et généreux, qui la retiennent et portent du fruit par leur persévérance.
Bon ! Quand même, il y a aussi beaucoup de beaux fruits dans notre vie. Il faut aussi les voir pour rendre grâce. Pourquoi ou pour qui ai-je envie de rendre grâce au Seigneur aujourd’hui ? Quels sont ces fruits que je peux goûter et qui me sont offerts par le Seigneur ?
Quelle parole de Jésus me nourrit particulièrement en ce moment ?
Être capable de voir les signes de la présence du Seigneur dans ma vie ; ouvrir les yeux car le Royaume est déjà là ! Il peut être sous la forme d’une graine de moutarde, d’un peu de levain dans la pâte, ou comme une perle précieuse ou un trésor caché dans un champ. Il est rendu présent par le moindre acte de charité posé en ce monde. Chaque fois que nous sommes capables de poser un acte de charité, le Royaume prend de l’ampleur et dissipe les ténèbres. Ce premier fruit de l’Esprit que nous porterons, c’est la charité, la charité qui va déployer dans la patience, la douceur, la paix intérieure, la bonté, la maîtrise de soi et tout ce que produit l’Esprit Saint en nous.
À la fin de cette méditation de la parabole du semeur et pour introduire déjà ce que nous verrons lundi prochain, je voudrais vous inviter à regarder vers le ciel. Trop souvent nous oublions de regarder vers le ciel, c’est à dire regarder au-delà, regarder plus loin. Mt 17, 1-13
28 Environ huit jours après avoir prononcé ces paroles, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
29 Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
30 Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,
31 apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
32 Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
33 Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
34 Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
35 Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
36 Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu.
Pierre, Jacques et Jean voient Jésus dans sa divinité ; le Seigneur leur permet de voir au-delà de l’apparence corporelle, au-delà de ce que leurs yeux humains voyaient jusque-là. Ils voient le ciel, ils voient Dieu. Avoir ce regard surnaturel est un exercice qui peut nous aider dans notre quotidien ; attention ! Il ne s’agit pas ici de vouloir voir des petits anges ou de demander des grâces sensibles ou de réclamer du sensationnel. Il s’agit en fait, du regard de la foi que nous devons poser sur les personnes, sur les évènements, sur l’histoire. Voir au-delà des apparences. À la lumière de la Transfiguration, nous verrons (c’est le cas de le dire !) comment nous sommes invités à poser ce regard sur ce que nous vivons et qui est toujours source d’espérance, d’action de grâce puis comment nous sommes citoyens des cieux. Ouvrir les yeux pour voir le Christ présent avec nous, au milieu de nous, lui qui a dit : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps. »
P. Stéphane