Homélie du 27ème dimanche du temps ordinaire « Les vignerons homicides »
Homélie du 8 octobre 2023 :
« Il est toujours nourrissant d’aller voir ce que disent les Pères de l’Eglise sur les textes de la Parole de Dieu ; on trouve toujours des perles qui nous aident sur notre chemin spirituel. Pour ce passage de Matthieu, appelé parabole des vignerons homicides, voilà ce que dit Saint Basile de Césarée : « Ce sont les âmes humaines que le Seigneur appelle sa vigne, elles qu’il a entourées comme d’une clôture, de la sécurité que donnent ses commandements et de la garde de ses anges. »
La parabole de Jésus s’adresse à un peuple qui refuse la conversion proclamée par les prophètes venus avant lui et qui ont été chassés, tués, persécutés. Le fils, nous l’avons compris, c’est lui, Jésus, qui sera jeté hors de la vigne pour y être tué.
Les vignerons volent ce qui leur a été confié ; ils chassent le maître en refusant ses messagers et donc son message.
Nous avons ici tout le drame humain, l’histoire tragique de l’humanité qui rejette son Dieu depuis le commencement ; cela commence avec Adam et Eve pour qui, être gérants de la création ne suffit pas ; ils veulent s’en emparer, devenir les maîtres en prenant la place de Dieu.
Ce sera l’histoire mouvementée du peuple Hébreux qui ne cessera de trahir l’Alliance avec Dieu, en refusant d’écouter les prophètes, en rejetant la loi divine pour adopter d’autres mœurs qui les mèneront à la ruine.
Ce sera enfin le drame de la Passion du Christ ; le Père envoie son Fils en personne pour annoncer la Bonne Nouvelle, pour appeler à la conversion. Nous savons ce qui va se produire.
Avec les ouvriers de la dernière heure, nous avons vu que la conversion était possible jusqu’au dernier moment. Dimanche dernier nous avons approfondi ce thème de la conversion avec la cohérence qu’il doit y avoir entre le dire et le faire ; le Maître envoie à la vigne et il ne suffit pas de dire « oui j’y vais », il faut y aller, c’est-à-dire qu’il faut prendre le chemin de la conversion. Et il y a quelques dimanches, j’avais redit que la conversion consiste à réajuster sa vie en fonction de la Parole du Seigneur, de ses commandements et de ses lois, annoncées, commentées, éclairées par son Eglise qui a reçu mission de conduire le peuple de Dieu.
Saint Basile que j’ai cité au début, ne dit pas autre chose : la clôture qui nous garde et nous empêche de nous perdre, ce sont les commandements de Dieu, sa Parole.
Saint Paul dans la lettre aux Philippiens nous donne de précieuses indications pratiques pour vivre ce que le Seigneur nous demande : d’abord l’abandon dans la foi « Ne vous inquiétez de rien. » Puis l’invitation à la prière confiante qui est la relation que nous avons avec le Seigneur. Cela sera source de paix, y compris quand nous traversons des épreuves. L’abandon dans la foi, la prière, c’est remettre Dieu à sa place, c’est-à-dire la première, c’est tout remettre entre ses mains et le reconnaître comme le principe de ma vie, de mon agir.
Enfin, le choix que nous ferons : choisir ce qui est vrai, noble, ce qui est juste et pur, ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle vertu. La vertu est une force donnée par le Seigneur et qui nous fait tendre au bien et vouloir éviter le mal. Nous connaissons bien les vertus théologales : la foi qui est la vertu par laquelle nous croyons en Dieu, l’espérance qui rend capable de voir plus loin que les réalités de ce monde, la charité qui nous permet de vivre concrètement ce que nous croyons et ce que nous espérons. Ce sont des dons de Dieu. Il y a ensuite les vertus cardinales, c’est-à-dire qui jouent un rôle charnière dans l’action des hommes ; il y en a 4 : la prudence, la tempérance, la force et la justice. La prudence nous aide à discerner pour poser les bons choix, en principe en voulant le bien. La tempérance permet la liberté en évitant de nous laisser dominer par nos pulsions ou des désirs mauvais. La force nous aide ne pas céder à nos faiblesses et nous accorde la volonté de choisir le bien ; enfin la justice nous permet de vouloir donner à chacun ce qui lui est dû.
Les vertus théologales qui sont données par Dieu lui-même, permettent de rendre plus parfaites les vertus cardinales.
Tout ceci est bien évidemment « normé » par la Parole de Dieu, la loi et les commandements que nous connaissons, que le Christ est venu éclairer et que les 4 évangiles nous révèlent. Nous pourrions dire que les évangiles sont la norme universelle qui doit conduire notre vie et nous empêcher de nous approprier ce qui est à Dieu, qui nous empêche de nous comporter comme les vignerons homicides.
Il est malheureusement triste de constater que les vignerons deviennent des meurtriers à partir du moment où ils rejettent le maître, où ils s’emparent de la vigne. Rejeter Dieu peut conduire jusque-là, ou au moins à un affaiblissement des vertus, voir à leur disparition, la foi laissant la place à l’idolâtrie qui anesthésie la conscience et détruit la liberté, l’espérance laissant la place à la désespérance, la charité, à l’égoïsme. Et bien évidemment, les vertus cardinales qui semblent pourtant indispensables pour le vivre ensemble, elles aussi disparaissent ou sont fortement falsifiées. La prudence laissant la place au déraisonnable, la tempérance, à la jouissance sans frein, la force à la domination des désirs, la justice aux inégalités et aux mensonges.
Mais ne désespérons pas ! Saint Paul nous invite à la confiance, et la confiance grandit dans la relation personnelle que nous avons avec le Seigneur, dans la prière et les sacrements. Sans oublier que nous avons avec nous le défenseur, l’Esprit Saint qui nous est donné pour vivre ce que le Seigneur nous demande, pour accueillir sa Parole et la rendre vivante là où nous sommes.
Notre responsabilité est grande puisque le Seigneur nous a confié sa vigne afin que nous en prenions soin et lui fassions porter du fruit.
Demandons au Seigneur, avec toute notre foi, notre espérance et l’amour qui nous est donné, de devenir les vignerons fidèles dans la mission confiée. »
Père Stéphane AYOUAZ